Mémoire et oubli

Mémoire et oubli

À partir des années 2000, un véritable « raz de marée » mémoriel submergeait une Espagne confortablement installée dans les conquêtes de sa démocratie. Partout se sont fait entendre des voix dissidentes, des associations pour la mémoire et d’autres collectifs civils réclamant la réhabilitation morale des vaincus durant la guerre civile de 1936.

Une nouvelle génération, celle de petits-enfants, revenait sur le passé pour dénoncer les milliers d’exécutions arbitraires. « Nous sommes les fils du silence », déclarait Dulce Chacón à la sortie de son roman sur les femmes républicaines Voix endormies. Pourquoi avait-il fallu se taire? L’exhumation des victimes déclencha alors un débat orageux sur le franquisme et l’amnésie pactisée par la classe politique, débat qui s‘est enfin terminé avec l’adoption de la Ley de la memoria histórica en 2007. La presse se fit écho de la polémique autour des restes du poète Federico García Lorca, à côté de tant d’autres morts anonymes qui ont pu être identifiés et honorés par leur famille.

Pour les uns, il s’agissait d’« ouvrir des tombes pour fermer des blessures », tandis que certains secteurs conservateurs y voyaient un esprit vindicatif contraire aux politiques de réconciliation des années de la Transition. Les uns défendaient le besoin de remémorer les souffrances causées par le franquisme pour réparer les iniquités de l’histoire, les autres rappelaient la dose d’oubli nécessaire pour construire l’avenir. En tout cas, si jamais il y avait eu un pacte de silence, il était désormais brisé. Peut-être cette fois-ci l’Espagne pourrait-elle définitivement tourner la page sombre du franquisme.