La forte hausse du tourisme vide les assiettes des Cubains

La forte hausse du tourisme vide les assiettes des Cubains

« Il y a des œufs! Il y a des œufs à la bodega [marché-boutique] », lance à la volée Eugenia, une grosse Mulâtre aux leggins jaune fluo. La scène se passe à Cojimar, un petit port de l’est de La Havane, là où Ernest Hemingway partait à la pêche au marlin sur son yacht El Pilar. Eugenia court vers le marché. Elle est suivie d’une foule de voisines et ressort, satisfaite, avec deux cartons de 36 œufs. « Les œufs alimentent et coupent la faim. Pour 36 pesos [1,5 euro] le carton et avec le riz de la libreta [carnet de rationnement] et des haricots, j’ai à manger pour deux semaines avec mes deux enfants », explique Eugenia. La grogne se fait entendre à cause des pénuries alimentaires provoquées par une forte augmentation du tourisme. À l’Infotur, petit café portuaire de Cojimar, les hommes pestent contre la disparition de la Cristal, la bière nationale. « C’est la faute de Raúl. Dans ce pays, il n’y a pas de centrale d’achats pour les entrepreneurs privés. Ceux des paladares [les restaurants privés] viennent acheter toutes les bières qu’ils revendent trois fois plus cher aux touristes », râle un pêcheur. Poissons et viandes, déjà en quantité insuffisante, ont disparu pour aller vers les lieux touristiques. Plus les touristes mangent, plus les Cubains ont faim. « Lorsqu’un rabatteur envoie des touristes américains dans un paladar, il touche 10 dollars par Américain. C’est un mois de salaire dans une entreprise d’État », confie un diplomate occidental à La Havane.

Paru initialement dans Le Figaro