Légendes de l’exil

Légendes de l’exil

« C’était là, sur la plage de Guanabo. Une lancha cigarette [hors-bord au moteur surpuissant] est arrivée en plein jour, à pleine vitesse. » D’un revers de la main, Lisandra mime l’arrivée de la vedette rapide. La lancha surgit sur le rivage de cette plage très fréquentée située à une vingtaine de kilomètres de la capitale cubaine. « Un homme a sauté du bateau. Il s’est écrié : “Qui veut partir avec moi aux États-Unis? C’est gratuit, un cadeau.” Évidemment, tout le monde sur la plage était dubitatif. Les uns pensaient qu’on allait les jeter à l’eau. Les autres se disaient que c’était un envoyé du ciel », chuchote la jeune femme.

« Plusieurs personnes sont montées dans la lancha. Un père et son fils se déchiraient. Le fils voulait partir. Le père ne voulait pas. Le jeune est parti, en maillot de bain. C’est comme ça qu’il est arrivé aux États-Unis, en maillot. Un Américain lui a donné de l’argent pour qu’il téléphone d’une cabine à son père. » Les Cubains, merveilleux conteurs dès qu’il s’agit de parler d’ailleurs, regorgent d’histoires vécues et de légendes sur l’exil. Telle est celle de ce pêcheur. Bercé par le rhum, il s’endormit dans sa barque. Lorsqu’il se réveilla, son canot flottait dans les eaux territoriales américaines. « Une grande vague l’avait amené jusque-là. Des pêcheurs américains l’ont recueilli. Il vit à Miami », ajoute Lisandra.

Paru initialement dans Le Soir